J'ai retrouvé dans mes archives ce texte humoristique que j'avais rédigé pour un concours dont le thème était d'écrire une recette de cuisine contenant obligatoirement les mots "billevesées, mort dans l'âme, chouette, âtre, gueule d'amour".

Je m'étais inspiré de Cyrano de Bergerac, le vrai (que j'adore tout comme l'adorait sans doute Edmond Rostand). En ces temps d'étoiles filantes et de Perséides où l'on lève le nez au ciel pour en saisir la beauté et l'immensité, j'ai pensé que c'était à propos.

Voici donc la Recette de la "gueule d'amour au vin de cassis".

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Après que j'eus fait connaître aux hommes dans mes récits que la Lune est un monde comme le nôtre, grandement peuplé de Sélénites, tous soutenant que notre terre n'est pour eux qu'une lune bleutée tournant autour de leur astre et qu’ils croient exempte de tout être vivant. Après avoir subi, la mort dans l'âme, l'ire des jaloux et moqueurs, et avant que la grande faucheuse ne me vint prendre, j'aimerais vous ouvrir à mon plus profond secret : une recette de cuisine Sélène dont on me fit l’honneur à souper en tant que voyageur venu de leur ciel, et que je rapportai sur mes carnets de mon voyage en ces lieux.
Si Prométhée fut bien autrefois au ciel pour dérober le feu, ai-je lieu de n'en pas être plus hardi que d'avoir rapporté de ces contrées lointaines ce de quoi ces êtres nourrissent leur corps pour survivre ? D'aucuns de mes ennemis diront qu'il ne s'agit que de billevesées, que d’imagination délétère, de folie peut-être. D’autres de quelque sorcellerie qu’une chouette maligne m’aurait dictée en mon sommeil.
Suffit ! La recette se nomme « gueule d’amour au vin de cassis ». Il faut savoir que la « gueule d’amour » est une plante étonnante qui ne vit et ne prospère que dans les empires du soleil où je me fus transporté jadis et dont j’ai rapporté quelques pieds. Pourquoi ce nom ? Car la fleur semble une gueule ouverte (les pétales) avec force dents crochues (les étamines) et une langue au milieu (le pistil), et que l’exhalation de son parfum fait tomber en amour toute fille de ces mondes-là, ne pouvant résister à l’appel de leurs sens.
Prenez seulement les tiges et le pistil. Trempez-les dans le volume de trois fioles de rosée du matin. Mettez à doux feu dans l’âtre. Comptez depuis l’apparition du soleil jusqu’à son zénith. Relevez de quelque épice et placez dans une jarre de vin de cassis. Laissez mûrir le jus toute une semaine. Puis, invitez la belle que vous convoitez et qui, peut-être, vous résiste, et faites-lui déguster ce divin bouillon. Je ne vous dis rien de la suite qu’il adviendra car la volupté se vit, s’expérimente, mais ne se décrit point.
 

Cyrano de Bergerac
(PCC Jean-Marie Gandois)

 

 

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